dimanche, janvier 14, 2007

Sarabande


Ecoutez, regardez. Sarabande. Ce mot coule, noble et tranquille, magnifique et somptueux. Mystérieux et intense. Il est beau, il sonne bien, je l'aime.
Dans la suite, la sarabande est un movement lent, discrètement soutenu. Si la suite était un "album", ce n'est pas la sarabande qu'on retiendrait comme "single" à matraquer sur les ondes.
Bach a atteint une perfection dans l'écriture que personne n'a encore su égaler. On peut l'analyser pendant des années et découvrir chaque fois une nouvelle règle quasi mathématique dans son architecture. Et dire que tout cela lui est venu naturellement. C'est à se demander si la musique, comme les plantes par exemple, ne flotte pas autour de nous, toute prête, et un jour, un esprit plus ouvert l'absorbe et la transcrit pour tous les autres. Mais ne nous égarons pas dans des délires scienfictionnesques, retournons à notre cale-lampe.
A mon humble avis, la sarabande est une charnière dans le roman. Un crescendo-decrescendo d'intensité sourde, dont le point culminant, à partir duquel commnce la désescalade, se situe exactement à la page 447, soit au beau milieu du livre, la sarabande s'étalant elle même depart et d'autre, au centre de l'oeuvre. Coïncidence? Troublante, en tout cas.
On entre enfin dans l'intimité de Max. Son enfance, sa fidélité à la femme qu'il aime. Privilège du lecteur, car même son meilleur ami n'a jamais recueilli ses confidences. Cet homme-là garde tout, au fond de lui.
Una vient lui rendre visite. Ils se promènent, en touristes, pendant une journée. C'est au cours de cette journée, en quelques mots anodins et calmement prononcés, sans cris, pleurs ou envolées lyriques que tout bascule pour Max. Une indifférence d'une cruauté rare. Mais n'est-ce pas plutôt pour Una le résultat d'un choix raisonnable? La lâcheté de préférer un confort douillet, une reconnaissance sociale, une aisance financière?
Vous verrez, pendant les 893 pages du roman, Max devient de plus en plus sympathique. Cette sarabande compte pour beaucoup dans le processus d'identification du lecteur au héros. Du coup, ensuite, on ne s'insurge pas contre lui. Jamais ne m'est venue l'envie de dire "quel salaud, c'est atroce..."Non. J'ai compatis. Et je pense qu'à sa place, c'est aussi le mieux que j'aurais pu faire...

Si je dois relire un jour ce roman, je prendrai la Toccata, la Sarabande et la Gigue. Ces 3 mouvements comportent toutes les clés.

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