Le blues des autres

Ce soir, c'était l'anniversaire de la PrimaDonna. En papotant autour d'un délicieux champagne, elle nous a prévenues: l'an prochain, c'est 40, retenez votre vendredi soir, on est déjà 130...Je demande même si elle n'a pas déjà retenu la salle de sa mégateuf.

Très égoïstement, j'ai pensé à mon sommet à moi, dans moins d'un an.
Non, je ne me vois pas organiser la mégateuf. Je ne me vois pas non plus supporter pendant plusieurs mois, les regards entendus, les prétextes des conspirateurs. Je ne me vois pas non plus bêtement partir en voyage lointain en janvier, quand mes réserves d'estime de moi sont au plus bas de l'année.

Mais je voudrais quand même que ce jour-là soit exceptionnellement exceptionnel. Je voudrais très fort avoir l'impression de vivre un film pendant toute cette terrible journée. Croiser Marie-Brune à la boulangerie, mine de rien, comme si tout était normal, alors qu'elle devrait faire ses rangements post-dominicaux à 1200 km de Malo, BPDM dans le hall de l'école, alors que c'est pas du tout sa catégorie d'étudiants, Dimitri faire un créneau en téléphonant au lieu de prendre le bateau pour la Corse, Paula en tong à la sortie de Champion, hé oui, ma grande, ici c'est l'hiver en janvier, et puis Alice, Claude, Pupuce, Primadonna qui auraient oublié leurs montres et leurs horaires d'école, mes camarades de jogging, pour une fois sans baskets, etc etc, et tous les autres, ceux à qui je ne m'attendais pas, mais pas le moins du monde, le premier flutiste de l'orchestre, l'ex champion des flandres, les petits, les grands, les blonds, les brunes, les roux, les malouins, les exilés dans le coeur du nord, les qui prient, les mécréants, les musiciens, les rêveurs, les pragmatiques, mon frère, les autres ... Tout ce monde-là, rien que pour moi, pas conviés sur carton, juste venus pour être là. Dans un paysage de Folon. Avec plein de bonne humeur pas du tout forcée.
Finalement, plus j'y pense, plus je me dis que c'est du domaine de la parfaite utopie. Il faut être autrement plus...enfin pas moi, pour faire naître ce genre de mouvement spontané dans son entourage proche ou lointain. Donc, pour ne pas être déçue, je crois que l'idéal, ce serait d'effacer carrément ce jour-là du calendrier. Et pour pas effacer inutile (toujours cette obsession du rendement, Arlette), j'ai pensé à une bonne petite anesthésie générale, du 27 au soir au 29 matin. Et puis, tant qu'à être dans le gaz, on pourrait en profiter pour effectuer aussi une révision. Justement, j'ai fait une liste:
-l'appendicite, ce sera fait.
-les bouées là et là.
-on récupère la matière pour la réinjecter là, et aussi un peu là.
là, on retend un peu, et puis jetez un peu un oeil à l'intérieur, voir si il n'y a pas des saloperies qui traînent. Tant qu'on a l'aspirateur branché et le chiffon à portée de main...

Oui, finalement, je la tiens, la solution.
Ben, tu vas peut-être dormir maintenant Arlette?