samedi, novembre 04, 2006

Ouvrir sa fenêtre au petit matin.

Traverser la France sur un coup de tête. Arriver à Marseille à la nuit. Se laisser envelopper par la douceur de la température, les lumières de l’excitation citadine du soir qui tombe trop tôt, après le calme feutré du wagon, ces odeurs de ville du sud…
S’illuminer dans le sourire qui vous guette au milieu du grand escalier. Se laisser étourdir par des bribes d’accent échappées. Cette certitude délicieuse d’être attendue. De retrouver sa place. Renouer avec les lumières du port. La courbe des routes, l’ombre des pins dans les phares. Les impressions fugitives échappées du paysage qui défile, mille fois ressenties, inconsciemment, qui ressurgissent sans crier gare. Se dire que « quelque chose a changé », mais non, pas vraiment. Reprendre la conversation là où on l’avait laissée. Des nouvelles de l’un ou l’autre, juste pour le plaisir de prononcer leur nom. Se taire aussi, sur tout ce qui a passé.
Et puis, au matin, ouvrir la fenêtre.
Sentir sur son visage la densité si particulière de l’air qui circule. Se laisser pénétrer de cet assemblage de couleurs, qu’on ne rencontre pas dans notre désormais quotidien, enfoui au fond de soi. Lever la tête vers le ciel, et machinalement pronostiquer une météo différente. Franchir la porte-fenêtre. Faire quelques pas sur la terrasse. Contourner la maison. Le contact retrouvé des terres cuites sous les pieds nus. La rugosité de l’enduit sur les murs. L’odeur des cendres du four. Le vallon, encore calme, à peine troublé par un moteur lointain.
Descendre, attirée par le clapotis de la piscine, et cette lumière bleue qu’elle reflète. Tremper le bout du pied. Regarder ses traces humides sur les dalles. Refaire un tour. Accrocher une touffe de lavande. Se laisser chavirer par l’odeur. Effleurer les pierres sèches du bout des doigts. Et surtout, surtout, ne plus penser « mais pourquoi t’es partie ? »

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Une expérience encore plus ébouriffante : quitter Marseille d'un coup de tête, traverser la France d'une seule traite et découvrir Dunkerque par un petit matin froid et gris ...
En thermodynamique, ça doit avoir à voir avec une transformation irréversible.

Arlette a dit…

Pas seulement en thermodynamique. Malheureusement.

Note pratique: maintenant on repart d'Aix les milles. C'est moins couleur locale, beaucoup plus propre et plus rapide. Mais moins déchirant.

Anonyme a dit…

Je te rappellerai ce commentaire lyrique du genre "ode au midi", à chaque que tu me diras qu'il n'y a rien de mieux que Malo, que vraiment le sud c'est pas terrible, et puis on a n'a pas la même qualité de vie qu'ici, et patati et patata...

Arlette a dit…

Loin de moi l'idée de prendre Malo pour le paradis sur terre! Simplement, tant qu'à habiter le NPDC, je crois sincèrement qu'on y est mieux qu'à l'intérieur des terres. Après 20 ans passés dans le coeur du Nord, entre Douai et Lille, je n'avais qu'une idée en tête: filer de là. En fait, ce qui compte vraiment, c'est les gens qui nous entourent. Le ciel bleu, c'est gràce au vent du nord, au mistral, ou juste parce qu'un(e) ami(e) vous appelle, vous sourit. Souvent.

Anonyme a dit…

Cela dit, si tu devais choisir entre un merveilleux et un castel ?

Arlette a dit…

Tu sais, j'ai un réel problème avec les choix. Tout le monde me prend pour une décideuse qui tranche sans arrière pensée, mais en fait, bien souvent, c'est pas moi qui choisis. On me choisit. Et quand je dois choisir, eh bien, c'est la cata. Donc, je dirais: un merveileux castel. Ce qui est un bon compromis.
Promis, la prochaine fois que je dois choisir, j'oserai être égoïste.

Anonyme a dit…

Pas mal écrit, on y est! Bravo Arlette. Et en matière de sud, il ne faut pas me châtouiller, je suis exigeante sur la description!

Anonyme a dit…

Le sud et le nord...tout cela est très relatif, tout dépend par rapport à quoi on se place. La géographie n'est qu'un prétexte, le ciel peut être bleu partout, à condition de pouvoir le voir.

Anonyme a dit…

Génial ce :
"Le sud et le nord...tout cela est très relatif, tout dépend par rapport à quoi on se place"
Y a un florilège quelquepart sur le Net, hstoire de décrocher le gros lot ?
Désolé.

Arlette a dit…

Si je m'appelais Obélix, je dirais: "non, je ne suis pas gros, juste un peu enveloppé".

Anonyme a dit…

Bon, mais qu'est-ce que tu fous à Malo ?

Arlette a dit…

Figure-toi que moi aussi, je me la pose, cette question!

Anonyme a dit…

Après le "pourquoi je suis partie ?", la prochaine question à te poser c'est : "pourquoi ne retournerai-je pas ?".... A méditer !

Anonyme a dit…

Vroum Vroum va décidemment adorer ce florilège...