Eléonore pénétra d’un pas léger dans la petite église, un sourire confiant sur le visage. Elle s’installa selon sa théorie du placement en fonction des parentés et bienséances longuement apprises, à la place qu’elle avait mûrement envisagée pendant tout le trajet depuis l‘aéroport. De son poste stratégique, elle voyait enfin s’animer sous ses yeux, tous ces personnages dont elle connaissait les histoires par cœur. Toutes ces heures passées aux côtés de Béatrice qui lui contait inlassablement, le vieil album sur les genoux, les anecdotes familiales. Ce vieux monsieur sévère, l’oncle Hubert, qui glissait des perce oreilles dans les lits de ses cousines ? Ce couple de vieillards fragiles, la terrible tante Agathe et le redoutable oncle Irénée ? Oui, elle retrouvait des expressions, des fossettes, des pincements de lèvres, et malgré les circonstances solennelles, son cœur bondissait de joie.
L’office terminé, un homme de l’âge de Béatrice s’approcha d’elle, la salua, et la considéra d’un air interrogateur. Bonjour, Eléonore, je suis la fille de Béatrice. Le sourire disparut des lèvres du vieil homme, qui lui répondit d’un ton sec et cassant « c’est impossible, Béatrice n’a jamais eu d’enfant ». Eléonore bredouilla une excuse, méprise, Béatrice, prénom courant, en effet, une autre Béatrice, bien sûr…et s’éloigna pour cacher son trouble.
Maintenant, la pluie ruisselait sur les vitres couvertes de buée. Les mots résonnaient dans sa tête. Des vagues de sentiments mélangés déferlaient sans qu’elle puisse les identifier. Une douleur lancinante lui vrillait les tempes.
Son regard accrocha une barrette en vichy rose, dans son sac entrouvert.
Elle glissa ses doigts dans ses cheveux, regarda ses deux mains posées sur le volant, claqua sa portière, et se dirigea vers le cimetière.
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3 commentaires:
The End ? C'est si triste d'écrire le mot FIN alors qu'il reste de si belles choses à écrire. Nous ne vieillirons pas ensemble, je ne peux pas m'y faire ... c'est comme un cauchemar.
Mais ce n'est que la fin de l'oncle Jesaispluscomment. Et encore, sa fin terrestre, puisqu'il va ensuite être tout glorieux...Quant à Eléonore, elle pourrait se résigner, rentrer chez elle, vaincue par quelques mots empoisonnés. C'est mal la connaître. C'est une battante, et elle fait face. Elle ne se laisse pas nier purement et simplement par des vieux ronchons à oeillères. Elle sait bien, que pour ses enfants, c'est à elle de tracer la route, et de leur rendre la légitimité dont elle a été privée. CEci dit, peut-être qu'elle voulait juste vérifier dans quel caveau on plongeait le coprs, ou qu'elle cherchait les toilettes du cimetière...Après tout, c'est de la fiction. Et chacun imagine ce qu'il veut...
La porte du cimetière s'ouvrit lourdement en grinçant.
Une idée saugrenue traversa l'esprit d'Eleonore :et si l'homme avait perçé le secret de Beatrice ? Elle comprit soudain qui lui manquait des pièces du puzzle et que là était la clé.
Un coup de vent soudain referma derrière elle la porte du cimetière...
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