jeudi, mars 18, 2010

L'accomplissement d'une vie sous un petit chiffon


Ils passaient leurs journées assis derrière la vitre, le nez au ras de la rue et des voitures. Elle, petite souris permanentée, dont la coiffure hésitante sentait le bigoudi nocturne, lui, ventru et bourru, serré dans un bleu de travail qui avait dû être son costume du quotidien durant toutes ses années de labeur. Ils venaient en "villégiature" près de la mer, quelques jours par-ci, par-là. Leurs journées s'étiraient derrière cette vitre. A contempler LA voiture. Une mercedes grise, au viseur enveloppé d'un chiffon. Peut-être le libérait-il les jours de fête nationale? S'il leur arrivait de partir faire une course en voiture, et que leur "place" face à la fenêtre soit occupée par un autre véhicule, alors, commençait le guet. Dès que l'usurpatrice se retirait, vite, il sortait déplacer son trésor.
Je les trouvais touchants, ces petits vieux du 23. J'imaginais leur vie ouvrière, faite de labeur et de petites privations, les économies sou après sou, pour s'offrir La Mercedes. Ils n'auraient pas choisi autre chose. Pas une anglaise discrète, vintage et classe. Pas une autre marque.
Alors, je me suis souvenue de mon enfance: mon petit frère s'étonnait toujours de voir les gitans qui venaient installer la fête foraine, si sales, si vulgaires, si peu éduqués, se pavaner au volant de leur "merco" rutilante. Maman lui disait "ils ont besoin d'un gros moteur pour tirer leur roulotte".
A l'époque, c'était les docteurs qui roulaient en BM. Ils zavaient pas de roulotte à tirer.

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